Rencontre avec Jean-Jacques Aillagon
Compte-rendu du petit-déjeuner du 5 octobre 2018
Vendredi 5 octobre 2018, 8H30, dans le salon Pompadour de l’Hôtel Meurice, l’Institut International pour le Rayonnement de Paris accueillait pour son petit-déjeuner de rentrée Jean-Jacques Aillagon.
Après que le Président de l’Institut, Jean-François Legaret, Maire du 1er arrondissement et Conseiller Régional d’Île-de-France, ait brièvement rappelé les objectifs de ce club nouvellement créé, à savoir dynamiser l’image de Paris, tant en France qu’à l’étranger, en mettant mieux en valeur son patrimoine, ses métiers d’art, de création et d’excellence, il passe la parole à Jean-Jacques Aillagon, dont il n’est pas besoin de rappeler ici la brillante carrière dans le secteur de la culture, carrière que nous lui avons demandé d’évoquer en avant d’aborder l’actualité.
L’ouverture prochaine de la Fondation Pinault à la Bourse du Commerce est l’occasion rêvée pour entendre celui qui a la charge de mener à bien ce projet phare pour le rayonnement de Paris ! Car c’est bien de ceci qu’il s’agit : permettre aux artistes contemporains d’avoir un écrin unique pour s’exprimer, en plein de cœur de Paris, dans un cadre qui allie l’histoire architecturale d’un lieu exceptionnel à la modernité radicale que l’architecte Tadao Ando saura y apporter.
Après nous avoir rappelé son parcours et émaillé son propos d’anecdotes personnelles liées à sa vie à Paris où il a beaucoup changé de domicile, ce qui lui a donné la chance de connaître et d’aimer de nombreux quartiers de la capitale, il nous retrace les grandes étapes de sa carrière. De professeur d’histoire en Corrèze, où il fera la connaissance de Jacques Chirac – rencontre qui va décider de sa carrière – aux plus hautes responsabilités au sein d’institutions prestigieuses comme le Centre Pompidou ou l’établissement public du château et du domaine de Versailles, la vie de notre invité est un parcours fait de curiosité, d’engagement au service de l’intérêt général et de foi dans l’action publique.
Au ministère de la Culture, son engagement en faveur du mécénat sera couronné par la loi de 2003 qui a créé des dispositions fiscales en faveur des dons aux associations et aux fondations. Loi importante qui va permettre l’essor des fondations d’entreprise, notamment, mais aussi de la générosité nationale, émanant des particuliers tout autant que des sociétés, en faveur aussi d’autres secteurs que l’art comme la presse, la santé, la solidarité, ou les associations religieuses, par exemple.
C’est la générosité qui est le premier moteur du mécénat, pas la recherche d’une réduction d’impôt, précise notre invité. Concrètement, pour un particulier, la réduction d’impôt est égale à 66% du montant versé : qand il donne 100 Euros, c’est 66 Euros qu’il aura à payer en moins pour l’impôt sur le revenu. De telle sorte que le don, grâce à cette disposition, peut être perçu comme un « impôt volontaire ». Cette loi a d’ailleurs permis de beaucoup développer l’engagement des Français en faveur des causes petites et grandes, phénomène qui s’est encore accru avec l’aide d’Internet qui a été un vecteur d’amplification des collectes de fonds.
Des voix s’élèvent actuellement pour tenter de remettre en cause cette loi ; elles se fondent notamment sur l’usage qu’elles estiment hors de proportions que font certains des dispositions du texte. Notre conférencier déclare qu’il serait dommageable pour le pays de renoncer à inciter les entreprises tout autant que les particuliers à continuer à participer à cette générosité qu’il tient pour un marqueur fort de la démocratie au travers de la défense de l’intérêt général.
Après son départ de la rue de Valois, la rencontre avec une autre grande personnalité va marquer le parcours professionnel de Jean-Jacques Aillagon : François Pinault. L’industriel breton – dont il rappelle brièvement le parcours exceptionnel, d’une modeste société de négoce de bois en Ille et Vilaine, à la constitution du groupe Kering, un des leaders mondiaux du luxe – le charge en effet de suivre le projet d’installation dans l’île Seguin, à Boulogne Billancourt, d’une fondation pour l’art contemporain. Devant les innombrables difficultés de tous ordres qui vont finalement faire échouer ce projet en 2005 (« le temps des entrepreneurs n’est pas celui de l’État ! » constate-t-il, réaliste), notre invité conseille à François Pinault de regarder du côté de Venise. Ce sera l’installation de la Fondation Pinault au Palazzo Grassi (propriété jusqu’alors de Fiat) dans un premier temps, puis dans les locaux de la Punta della Dogana, en 2009, rénovés par le japonais Tadao Ando, toujours à Venise. Projet remporté haut la main face à la concurrence du Guggenheim qui fera une offre de dernière minute, heureusement sans succès.
Après avoir évoqué avec humour les négociations dignes d’un romain d’espionnage avec les avocats de Gianni Agnelli, notre invité nous dit le plaisir intense qu’il a eu de s’installer pour de façon temporaire à Venise afin de suivre ces projets. Nouveau cadre de vie, après Paris, nouvelles rencontres au sein de la Cité des Doges. Intermède de courte durée car François Pinault le rappelle à Paris pour prendre en charge les projets de la Pinault Collection, dont le dernier en date, celui situé dans la Bourse du Commerce que la Ville de Paris venait d’acquérir en 2017.
Aux termes d’un bail de 50 ans, la Fondation Pinault devient locataire de ce bien dont l’architecture originale marque l’extrême ouest du quartier des Halles de sa rotonde majestueuse et de ses colonnades néo-classiques. Une équipe est constituée, solide précise notre hôte, autour de deux piliers au talent et à l’expérience reconnus : Tadao Ando et Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments Historiques, accompagnés par la jeune agence NeM.
L’ouverture est prévue pour le courant de l’année prochaine, notre invité ne s’aventurant pas à donner une date précise tant les surprises liées au bâtiment et à son environnement sont légion dans un projet de cette nature. François Pinault veut faire de ce musée une référence européenne afin d’offrir à Paris un lieu de rencontre entre l’art contemporain et le public avec une dimension pédagogique marquée, un auditorium de 300 places et des équipements spécifiques à une institution ouverte sur la ville.
Après plusieurs questions posées par la salle, Catherine Dumas, Sénatrice de Paris et Présidente d’Honneur de l’Institut, clôt cette rencontre en marquant l’importance de l’engagement de chacun, élus, particuliers, entreprises, au service de Paris en remerciant notre invité pour son vibrant plaidoyer en faveur de ces lieux de rencontres et d’échanges – comme la future Fondation Pinault – dont se nourrit la démocratie et où les citoyens partagent projets, passions et valeurs. Pour reprendre le mantra de notre invité : la cité, son dynamisme, son « vivre ensemble », son rayonnement sont l’affaire de tous. C’est aussi la conviction que nous avons à l’Institut et c’est la raison pour laquelle nous en appelons autant aux entreprises qu’aux particuliers, aux associations qu’aux Pouvoirs Publics. Que cette ville magnifique retrouve son dynamisme et son pouvoir d’attraction !

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