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L’INTERVIEW | Didier CHENET, au service des métiers du goût et de l’indépendance


Didier CHENET est président du Groupement national des indépendants hôtellerie & restauration (GNI-HCR) et président de l’école Médéric située dans le 17e arrondissement.


Vous présidez le GNI-HCR depuis 2014. Vous aviez démarré votre carrière professionnelle comme analyste financier après des études à Sciences Po Paris. Quel est le fil d’Ariane de votre parcours de la finance jusqu’au service des hôteliers, cafetiers, restaurateurs et traiteurs indépendants ?


Modestement je répondrais appétences et compétences. Mes appétences pour le secteur de la restauration se sont développées très tôt. J’ai toujours eu une véritable passion pour la cuisine, les vins, le plaisir de la table. J’ai développé des compétences en matière de finance.


Mon objectif a toujours été de marier les deux. C’est ce que je me suis appliqué à faire du Crédit hôtelier, commercial et industriel, jusqu’à ma propre chaine de restaurant Oh ! Poivrier ! en passant par la SODEXO et le poste de Directeur financier. En fait, un parcours assez cohérent.


L’hôtellerie et la restauration ont été deux activités particulièrement impactées par la crise sanitaire. Vous avez dû concilier sauvegarde et relance pour conjuguer le présent au futur. Comment avez-vous préservé les établissements mais aussi la formation des jeunes ?


Je salue le rôle essentiel qu’ont tenu les syndicats durant la crise pour co-construire des solutions avec les pouvoirs publics. Tout au long de la crise, les représentants des professionnels de la restauration se sont mobilisés pour porter des propositions concrètes et réalistes auprès du Gouvernement. Ces mois d’échanges constructifs ont permis de prendre des mesures progressives et adéquates à la survie des TPE et PME de ce secteur clé de l’économie.


L’efficacité de ces mesures, adaptées aux réalités des professionnels, est désormais prouvée après 15 mois d’une crise sans commune mesure, dont 10 mois de fermeture administrative pour les cafés et les restaurants. Trois mesures phares ont permis de sauver les établissements sur le présent, pour assurer son futur, ainsi que leur survie : l’activité partielle qui organise une prise en charge intégrale des salaires, le fonds de solidarité qui permet d’indemniser les entreprises par une couverture des charges fixes, les PGE et le report des prêts bancaires.


Si les métiers de l’hôtellerie et de la restauration évoluent sans cesse, la période a accéléré le besoin d’adaptation face à une concurrence étrangère inventive. Quels sont les principaux défis et comment valorise-t-on en 2021 les savoir-faire traditionnels de l’excellence à la française ?


Pour assurer son avenir, le secteur de la restauration doit pouvoir miser sur le recrutement et la fidélisation de ses collaborateurs en répondant à leurs attentes et en mettant en avant leur rôle majeur dans la société. En effet, si ces métiers de proximité sont exigeants, ils sont également très riches humainement et participent au renforcement des liens sociaux. Vecteurs de convivialité, les collaborateurs de la restauration doivent bénéficier de conditions de travail adaptées pour renforcer leur confort de vie et leur savoir-faire doit être valorisé : aménagement des horaires, transports facilités pour rentrer le soir, intéressement …


L’apprentissage constitue également un sujet majeur dans cet univers. Une réflexion est en cours sur le sujet, notamment dans le cadre du projet Médéric 2024. Les professionnels de la restauration sont également conscients du rôle qu’ils ont à jouer pour répondre aux nouvelles attentes sociétales. Les clients attendent de la transparence, de la traçabilité et de la qualité.


Le secteur a ainsi notamment l’ambition de mettre en avant sa proximité avec les territoires et ses engagements en matière de sélection des produits et de choix de ses fournisseurs, artisans et producteurs. Pour cela il faudrait que l’établissement soit reconnu avec l’appellation « restaurant ». Au-delà, les professionnels ont la volonté de s’inscrire dans une véritable démarche RSE, incluant en particulier l’environnement avec la gestion des biodéchets en lien avec les producteurs.


A Paris, vous portez le projet “Médéric 2024”, une école hôtelière d’excellence qui formera chaque année dans le 17e arrondissement un millier de jeunes. Quelle est la vision et l’ambition de ce projet ?


Le projet Médéric 2024 consiste à créer une grande école hôtelière parisienne en modernisant et en y consacrant les locaux au CFA afin d’y accueillir 1200 apprenants chaque année (contre 650 actuellement) et ainsi créer un hôtel d’application. Il s’agira de contribuer à répondre aux besoins des professionnels des métiers d’exécution (serveur, commis de cuisine, agents polyvalents) avec une formation intégrant les dimensions numériques, qualité et développement durable.


Cette école je veux qu’elle soit à l’écoute et au service de nos professionnels de l’hôtellerie et de la restauration, qu’elle réponde à leurs besoins. Nous nous appliquerons à privilégier l’enseignement pratique, la mise en situation en développant notre restaurant d’application et en créant un hôtel d’application véritable, unique à Paris, tout en renforçant les activités de réceptions pour nos apprentis traiteurs. organisateurs de réception.


Cette école sera aussi une école de demain, une école numérique, une école ouverte 7 j / 7 et 24 h / 24, avec des enseignants-chefs d’un réseau d’apprentissage, une école s’inscrivant dans un projet sociétal, durable et responsable en intégrant des apprentis en situation de handicap et des personnes en reconversion ou en formation professionnelle complémentaire.


Une école respectueuse de l’environnement grâce à un apprentissage calé sur le rythme des saisons, sur l’utilisation majoritaire de matière première brute issue des circuits courts, ou de notre potager, sur la gestion des bio-déchets et le souci de lutter contre le gaspillage. Une école agréable à vivre au quotidien avec une architecture élégante et performante où il sera bon d’apprendre et de travailler.


Ce projet nous souhaitons le porter pour vous et avec vous pour faire de l’École Hôtelière de Paris, l’école que tout le monde appelle de ses vœux. Une école dans la tradition de l’excellence française, ouverte sur le monde, tournée vers l’esprit d’accueil, vers l’élégant, la performance et la transmission du savoir-vivre à la française que l’on nous envie tant : L’excellence de l’apprentissage.


Paris est la capitale du tourisme et du savoir-vivre à la française. Après les “annus horribilis” 2018, 2019 et 2020 (gilets jaunes, grèves, Covid ...), comment pourrait-il renforcer son attractivité, notamment grâce à l’éducation et à la formation aux métiers du goût et de la culture ?


Longtemps, nous avons cru que nous étions les meilleurs, car nous étions seuls au monde.


Aujourd’hui, le monde vient à nous et nous devons, chaque jour, faire la preuve de notre savoir-faire. Si nous voulons être et rester les meilleurs alors nous devons concentrer nos efforts sur la formation de nos professionnels et tout particulièrement sur celle de nos générations futures, nos apprentis.


La concurrence étrangère est rude et inventive en matière de tourisme, notre hôtellerie et notre restauration souffrent d’une mauvaise image en termes d’accueil. Il nous faut le constater et développer une culture du tourisme en France, professionnaliser nos pratiques, améliorer notre formation. C’est seulement grâce à elle que nous ferons progresser nos performances professionnelles et humaines au service de nos clients.

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